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Sur le macadam, Albert Dupontel. Son interview pour Second Tour. Au Ciné Lumiere.

Du 26 Janvier au 9 Février. Second Tour, un film de Albert Dupontel.

"Merci de ne pas révéler le twist final."



Journaliste politique en disgrâce placée à la rubrique football, Mlle Pove est sollicitée pour suivre l’entre-deux tours de la campagne présidentielle. Le favori est Pierre-Henry Mercier, héritier d'une puissante famille française et novice en politique. Troublée par ce candidat qu'elle a connu moins lisse, Mlle Pove se lance dans une enquête aussi étonnante que jubilatoire.




Eva Zuili Mimoun: Bonjour Albert Dupontel, Merci d’accepter cette interview pour London Macadam! Au tout début de Second Tour, vous faites une dédicace à Jean Paul Belmondo, Bertrand Tavernier et Michel Deville...

Albert Dupontel: Oui, Jean-Paul Belmondo, Bertrand Tavernier et Michel Deville sont des gens que je connaissais et qui ont beaucoup compté dans le cinéma et dans mon existence. Bertrand Tavernier a été le premier qui m’a officialisé quand j’ai commencé le cinéma à l’époque de Bernie. Je n’ai été bien accueilli ni par le cinéma français, ni par les critiques, ni par l’intelligentsia. Seul Bertrand Tavernier m’a aidé. Il m’envoyait encore des textos jusqu’à la fin de sa vie avec des listes de films à voir.

J’ai adoré ses films avant de le connaître et notamment L’horloger de Saint Paul, Le juge et assassin, et Coup de torchon un film extraordinaire sur les méfaits de la colonisation à travers sa propre histoire … Jean Paul Belmondo est une personne que j’ai bien connue, icône d’enfance et icône de jeunesse. Quand je l’ai rencontré, j’ai découvert un personnage assez raccord avec l’idée que je me faisais de lui, un homme simple, gentil et généreux. Lui aussi suivait mon parcours avec attention.

Et puis Michel Deville est la première personne après Bernie qui m’a fait confiance et m’a fait jouer dans son film La maladie de Sachs. il m’a dit “Monsieur vous êtes un acteur.” Quand je me trompais dans mon texte il disait peut-être que c’est moi (qui ait mal écrit le scénario). C’était un grand cinéaste. Tous ces gens m’ont honoré de leur considération alors que je n’étais qu’un vilain petit canard.


Moi je fais un cinéma de fable et d’expression. C’est pour cela que je me retrouve plus chez Marcel Carné et Jean Renoir qui font du réalisme poétique. Je ne fais pas du cinéma littéraire que je n’aime pas et qui est souvent maladroit, ce cinéma de la nouvelle vague qu’on portait et qu’on porte encore aux nues dans le cinéma français. J’aime quand la Caméra bouge comme aux Etats Unis avec des réalisateurs comme Paul Verhoeven, les frères Coen et le grand Terry Gilliam.


E. Z. M: Le film fait son entrée avec une citation “la meilleure façon de combattre est encore d’appartenir au sytème… politique”. Comment est venue l’idée du film?

A. D: D’abord c’était l’époque du confinement pendant laquelle j’ai eu une vraie frustration de citoyen en voyant le monde entier s’occuper de la crise économique plutôt que de la crise sanitaire et humaine que je trouve très annonciatrice des époques qui viennent. J’ai fait des études de médecine 5 ans donc je suis très sensible à cela. Des copains de médecine disaient qu’il y a des tas de virus qui vont arriver dont on ne connaît pas les remèdes… et pourtant le monde ne se préoccupait que d’une crise économique.

Tout à coup, la planche à billets qui ne marchait pas pour les gilets jaunes s’est mise subitement à marcher, puis l’inflation et donc la psyché humaine est sur une très mauvaise pente qui malheureusement est un peu suicidaire…


Dans ce constat physico sociétal je tombe sur un documentaire de Robert Kennedy un personnage résigné et héroïque à la fois. Il y improvise un discours, pendant sa campagne électorale, dans un ghetto black en apprenant la mort de Martin Luther King. il annonce à la foule qui n’est pas au courant on a tué votre frère comme on a tué le mien… La parole politique quand elle est forte a un effet. J’ai connu cela avec mes parents nostalgiques des discours de De Gaulle. Mais je pense qu’on est en déficit de vraie parole politique.


E. Z. M: Dans une interview, vous dites “Dans ce film tout est faux” … vous faites allusions aux images de synthèse du tournage?

A. D: L'I.A, tout dépend de l’usage que l’on en fait… aujourd’hui la technique s’est beaucoup démocratisée et m’aide beaucoup. Pour ce film grâce à ces techniques, il me faut trois fois moins d’argent et 6 fois moins de temps pour le faire…

J’ai un budget moindre, 300 figurants mais cela semble être 10 000 à l’écran … Pour les fusillades dans le parking, j’avais seulement 3 voitures en studio. Cela me donne plus de moyens. Tout dépend du contexte, c’est comme l’énergie nucléaire elle est utile pour donner de  l’énergie mais pas pour faire une bombe. Avec le même produit on peut faire le bien ou le mal.


E. Z. M: Le film aborde l’écologie avec un personnage et ses abeilles…ce personnage dit: “ ils vont tout casser, l’air, l’eau, etc. “ …

A. D: On enfonce des portes ouvertes certes… mais je vais avoir 60 ans dans quelques mois et je n’ai jamais vu des étés aussi chauds… Je suis inquiet pour mes gamins qui ne sont que de jeunes enfants… Pour nous, c’est une crise sanitaire mais pour les gouvernants c’est une crise économique. On habite dans un pays qui utilise l’énergie fossile, on va faire la prochaine coupe du monde 2028 en Arabie saoudite…Quant au glyphosate, il a été supprimé des marchés mais ils le remettent en circulation… le monde est fou!


Le jumeau le dit dans le film “le glyphosate, ça ne fait pas du bien… “. Charlie Chaplin le faisait avec Le dictateur mais cela n’a pas empêché la seconde guerre mondiale. Des grands artistes vont pointer du doigt des déviances en cours mais cela ne va peut-être pas changer grand chose au cours de l’histoire malheureusement.


E. Z. M: Un mot sur la musique et le montage?

A. D:  C’est Christian Julien qui fait la musique et le montage. J’aime beaucoup les mélodies.

Il y a 20 pour cent de musique achetée et 80 pour cent de musique composée. Christian vient carrément faire la musique dans la salle de montage et refait son édit pour que le rythme et la ponctuation de la musique soient parfaits . Je suis un grand fan de Federico Fellini, de Justin Urwitz et Damien Chazelle ( La La Land ….) plus récemment qui font un travail remarquable.


Cette envie de musique et d’image j’y suis extrêmement sensible. Pour faire ce genre de cinéma, on a besoin de la musique. C’est une grammaire le cinema. C’est une fable et il faut se donner les moyens de la fable avec une histoire incroyable, la musique, des personnages improbables, la lumière, des décors pas très jolis fabriqués avec des éclairages sodiums. On utilise des techniques modernes de Virtual reality comme avec l’intelligence artificielle.

Dans Adieu les cons, j’ai tout fait en studio à la Défense. On m'a demandé ou était le fameux ascenseur qui monte et qui descend mais il n’existe pas…


E. Z. M: C’est aussi un film sur les journalistes et sur le rôle des journalistes.

A. D:  J’ai une amie journaliste dont je tairai le nom qui m’a récemment dit:

Je ne suis pas dans une chaine d’infos continues mais dans une chaine infos contrôlées… Elle me disait qu’on ne peut pas tout dire… elle avait sorti  un article sur un produit d’une marque qui n’appartenait pas au propriétaire de la chaine…qui n’est jamais paru… J’ai d’ailleurs choisi de Cecile de France qui est une militante discrète mais qui partage ces valeurs là…


E. Z. M: Justement comment avez vous choisi vos acteurs ?

A. D: J’ai fait tous les essais à part avec Nicolas Marie dont j’étais certain pour le rôle. J’adore cet acteur, son coté comique. Quant à Cecile de France, j’ai fait les essais, elle est super, motivée, extraordinaire, elle a un ego d’artiste, pas un ego de vedette, ce qui fait une vraie différence sur le plateau, une discipline dans son jeu…c’est très bonne pioche elle et Nicolas.


E. M: Quels sont vos projets pour 2024?

A. D: Je serai à l’écriture pour raconter les problèmes intimes mais de façon visuelle. A la manière de Claude Sautet.


Merci.

Merci.


Eva Zuili Mimoun pour London Macadam magazine.


@ifru


Merci Albert Dupontel


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