Francois Ozon à Londres pour "When Fall is Coming". Interview.
“Je voulais écrire un scénario avec un film plus épuré, plus ancré dans la réalité, un peu dans l'esprit d’Albert Simenon." Francois Ozon.

Michelle, une grand-mère bien sous tous rapports, vit sa retraite paisible dans un petit village de Bourgogne près de sa meilleure amie, Marie Claude. A la Toussaint, sa fille Valérie vient lui rendre visite et déposer son fils Lucas pour la semaine de vacances…mais rien ne se passe comme prévu…
London Macadam : François Ozon, Bonjour, merci d'accepter cette interview pour London Macadam.
Votre film marque un retour vers un film plus intime… Après Mon crime, comédie loufoque, vous dites: “Je voulais écrire un scénario avec un film plus épuré, plus ancré dans la réalité, un peu dans l'esprit d’Albert Simenon...
François Ozon: Il est est vrai que j'aime bien faire un film contre le précédent, ne pas me répéter…Mon crime est une comédie qui se passe dans les années 30 où aussi il y avait aussi deux jeunes filles, deux personnages féminins et une histoire de meurtre mais là, c'est très différent. J'aime bien effectivement aller sur des registres différents et sur un ton beaucoup plus réaliste et en même temps amener une part d'ambiguïté.
J'ai eu envie de filmer des femmes âgées, de 70 ou 80 ans. Je trouve qu'elles sont très peu représentées dans le cinéma français et même dans le cinéma mondial. De plus, si elles le sont, elles ont fait tellement de chirurgie esthétique qu’on ne sait plus quel âge elles ont. J’avais envie de filmer des femmes réelles et donc j'ai tout de suite pensé à Hélène Vincent et Josiane Balasko. Ce sont deux actrices que j'aime beaucoup, avec qui j'avais déjà travaillé dans le passé.
J’ai fait ce film contre le précédent, justement sur le thème des personnes âgées, de la vieillesse.
London Macadam: Hélène Vincent, que nous venons d'interviewer, vient de nous dire qu’à plus de 80 ans, les femmes sont effectivement effacées du cinéma, que ses collègues n'ont plus de rôles …Elles sont devenues "invisibles".
François Ozon: J’aime beaucoup les personnes âgées parce qu'elles ont un passé. On a tendance à s'imaginer que quand une femme devient une grand-mère ou un homme, un grand-père, ce sont des saints. Je me souviens d'un ancien nazi qu'on avait retrouvé en Allemagne, sur une chaise roulante. Il ressemblait à un gentil papy, c'est vrai qu'il avait l'air sympathique. Mais quand on connait son terrible passé, c'était le même homme. Donc on a tendance à édulcorer la vieillesse.
Je voulais montrer que cette grand-mère bien sous tous rapports est une mamie ambigue, qu’elle a eu une vie et que sa vie n’était pas toute rose. Sa vie a été compliquée et elle a traversé des épreuves.
London Macadam: Justement … on ne comprend pas pourquoi elle a des rapports si froids avec sa fille et, soudain on comprend. Vous abordez le thème de la prostitution, la vie d'avant, une vie chahutée. Comment l'idée vous est-elle venue?
François Ozon: Pour moi c'était important de montrer une relation toxique entre la mère et la fille. Elles n'arrivent pas à communiquer. La mère aimerait parler à sa fille et sa fille refuse et lui reproche son passé. J'avais lu à ce moment-là beaucoup de témoignages d'enfants de prostituées et les difficultés qu’ils rencontrent.
Voilà une mère qui commet ce métier, qui est victime de ce métier parce que ce n'est pas un métier. Elle dit « j'ai fait ça pour que tu ne manques de rien », parce qu'elle se trouvait dans des situations où elle n'a pas fait ça de son plein gré … elle le dit clairement à son petit-fils aussi. Tout d'un coup, cet élément permet d'éclairer et de mieux comprendre l'agressivité de la fille contre sa mère. J'avais discuté avec un psychanalyste qui m'avait dit « les relations les plus tordues, les plus compliquées au monde, ce sont toujours les relations mère fille »…
London Macadam: Votre film évoque les rapports parents/ enfants … Est-ce que les générations d'après portent l'histoire de leurs parents? De leurs grands parents ? « Avec nos enfants on a tout raté » se disent Michelle et Marie Claude ….
François Ozon: il est vrai que l’on a plus de facilité à parler avec sa grand-mère qu’avec sa propre mère… ça saute une génération, ce qui est normal parce que les grands-parents on ne les voit que pour les vacances. Ils ne sont pas là pour nous dire ce que l'on doit faire. Quand on va chez ses grands-parents, en général, on a le droit de regarder la télévision, on peut manger des bonbons… donc c'est plus facile de se parler et ça saute souvent une génération…
London Macadam: Avec François Ozon, la caméra donne à voir ce qui n'est pas dit. Nos lecteurs veulent savoir comment avez vous tourné, en combien de temps, et où?
François Ozon: J’ai tourné en Bourgogne, une région que j’apprécie tout particulièrement et ou j'ai passé beaucoup de temps dans mon enfance…
Lorsque j’ai donné le scénario à Hélène Vincent, elle m’a dit « mais vous racontez ma vie », enfin la vie à la campagne, en Bourgogne, et comme l’héroïne, elle va aux champignons avec sa copine …
J'avais envie de tourner en Bourgogne. Il y a peu de films français qui se tournent la bas. Le tournage a duré entre 7 et 8 semaines. Puis à Paris une semaine pour les scènes dans l'appartement de la fille et dans la région de Donzy à Cosne-sur-Loire 7 semaines, avec des paysages magnifiques.
Je pense que la campagne est belle particulièrement en automne, c’est une très belle région où il y a de très belles forêts et de très bons champignons…
London Macadam : Pourquoi Ludivine Sagnier apparaît-elle en fantôme ? Est-on poursuivi par ses souvenirs jusqu'à la mort?
C'était important de montrer que le dialogue n'était pas possible entre la mère et la fille de son vivant. Parfois, c'est plus facile de parler à un fantôme qu’a quelqu'un de réel. Ainsi, cette réconciliation ne se fait pas quand elle est vivante mais avant de mourir lorsqu’elles se donnent la main à la fin.
On dit souvent « se réconcilier avec ses morts » c'est une expression. En effet, on a des gens avec lesquels on a une relation toxique avant qu'ils ne meurent donc on n'a pas le temps de se dire « excuse-moi, pardon » et ça se fait plus tard. Ainsi, il me semblait que le personnage de la fille devait encore être présent.
London Macadam: C'est un film sur l'amitié aussi. Pensez vous que l'amitié sauve tout?
La sororité même je dirais… « c'est comme ma sœur » se disent -elles. Les relations entre ces deux femmes vont au delà de l’amitié, elles se sont épaulées toute leur vie, elles ont partagé la même galère, la même souffrance, elles ont toutes les deux des enfants et des deux côtés, il y a des problèmes. Le fils qui sort de prison n'est pas plus réussi que la fille d'une certaine manière… Les héroïnes essayent de s'entraider.
Ce qui m'intéressait particulièrement, c'était de montrer qu'il y en a une qui subit, le personnage de Josiane Balasko, cela se voit dans son corps. Par contre, dans le personnage de Michelle il y a une espèce de force de vie, elle dit « on a fait comme on a pu »….elle est beaucoup plus pragmatique et finalement c’est pour cela qu'elle meurt plus tard, parce qu'elle était « gourmande de vivre »…elle se dit, il me reste quelques années à vivre, je vais en profiter avec mon petit-fils…
My London Macadam par François Ozon: Est-ce que vous connaissez cette ville? Est-ce que c'est une ville qui vous inspire?
Je connais Londres. J’y ai déjà tourné deux films, Swimming pool avec des scènes à Londres d’autres à Bristol, et un autre film qui s'appelait Angel. C'est une ville que j'aime beaucoup mais je dois avouer que depuis le Brexit, quelque chose s'est cassé dans le rapport entre nos deux pays. Par conséquent, je viens beaucoup moins.
On sent aussi que le cinéma et les distributeurs anglais ont beaucoup plus de mal à sortir les films, il y a moins d'argent. On sent que le pays s'américanise, que le cinéma américain prend toute la place au détriment du cinéma anglais…
On est un peu triste de ce lien qui s'est défait depuis quelques années.
Merci Francis Ozon
Merci.
Éva Zuili Mimoun pour London Macadam!
When Autumn Falls de François Ozon. prix du Meilleur Scénario (François Ozon) et du Meilleur Second Rôle Masculin (Pierre Lottin).
Le drame de François Ozon, When Autumn Falls, regorge de suspense et de rebondissements inattendus. Porté par un casting prestigieux, le film met en vedette Hélène Vincent (Grâce à Dieu), Ludivine Sagnier (Swimming Pool, Mesrine : L'ennemi public n°1, 8 Femmes), Josiane Balasko (Grâce à Dieu), et Pierre Lottin (La Nuit du 12, La Bande à Pied).
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